LES VINS BLANCS FONT-ILS VRAIMENT MAL À LA TÊTE ?
Une réputation à démystifier
Fabienne Gallé - 17/11/2024
J'ai toujours eu un doute sur cette mauvaise réputation des vins blancs. Il m'est arrivé, très rarement, de ressentir des maux de tête après avoir bu du vin, qu'il soit blanc ou rouge. Comme les idées reçues ne viennent jamais de nulle part, j’ai décidé d’explorer le sujet pour comprendre cette croyance et tenter de me faire une opinion objective.
L’alcool : un coupable universel
Si l'on cherche un responsable, il est difficile de ne pas pointer l'éthanol, présent dans tous les vins (1). L'alcool agit de multiples façons : il provoque une déshydratation, dilate les vaisseaux sanguins et, lorsqu'il est métabolisé en acétaldéhyde, libère des substances encore plus toxiques pour l'organisme. Ces mécanismes sont les principales causes des céphalées, bien avant la couleur du vin. Les personnes sensibles peuvent d'ailleurs ressentir ces effets même après un seul verre.
Sulfites et histamines : des suspects discutables
Les sulfites, abondants dans les vins blancs pour des raisons de conservation, sont souvent montrés du doigt. Pourtant, ces composés ne concernent que les individus asthmatiques ou allergiques, et leurs effets sur les maux de tête restent rares dans la population générale. Quant aux histamines, également présentes dans le vin, elles sont davantage concentrées dans les rouges que dans les blancs. Cependant, des sensibilités spécifiques peuvent toujours amplifier les symptômes.
Tanins et structure : un atout des blancs
Les vins blancs contiennent peu ou pas de tanins, ces polyphénols présents dans la peau des raisins. Or, les tanins, bien qu'accusés à tort de provoquer des migraines, contribuent surtout à la sensation d'assèchement et peuvent exacerber une déshydratation existante. Si le rôle des tanins vous intéresse, ils font l'objet de mon précédent article (Lire l'article).
La rapidité de consommation : un facteur comportemental
Les vins blancs, souvent servis frais, passent pour des boissons désaltérantes. Leur fraîcheur et leur légèreté incitent à boire plus rapidement, accélérant ainsi l’absorption de l’alcool. Avec les vins pétillants, cet effet est encore plus marqué, les bulles facilitant le passage de l'alcool dans le sang. Ces habitudes peuvent expliquer une partie des maux de tête perçus après un verre ou deux.
Notes :
(1) Bien que les vins sans alcool puissent contenir certains composés présents dans les vins alcoolisés (comme les sulfites, les histamines, et potentiellement la quercétine), l'absence d'alcool suggère qu'ils seraient moins susceptibles de provoquer des maux de tête. Cependant, des recherches spécifiques seraient nécessaires pour confirmer cette hypothèse et comprendre les effets potentiels des autres composés présents dans les vins sans alcool.
(2) Les congénères sont des composés chimiques présents dans les boissons alcoolisées, autres que l'éthanol principal. Produits naturellement lors de la fermentation et de la maturation, ils incluent divers alcools, aldéhydes, esters et acides. Ces molécules contribuent à la complexité aromatique des boissons, particulièrement dans les spiritueux vieillis comme le whisky ou le cognac. Bien qu'ils enrichissent le goût, les congénères sont souvent associés à l'intensification des effets secondaires de l'alcool, notamment les maux de tête. Leur concentration varie selon le type de boisson, étant généralement plus élevée dans les alcools bruns que dans les alcools blancs.
(3) La quercétine est un flavonoïde, un type d'antioxydant naturellement présent dans les raisins et d'autres fruits. Cette molécule, plus abondante dans les raisins exposés au soleil, pourrait expliquer pourquoi certains vins rouges sont plus susceptibles de provoquer des céphalées.Selon cette étude, lorsque la quercétine est métabolisée en présence d'alcool, elle se transforme en un composé appelé quercétine glucuronide. Ce dernier interfère avec le métabolisme de l'alcool dans le foie, empêchant la dégradation d'une substance toxique appelée acétaldéhyde. L'accumulation d'acétaldéhyde dans l'organisme serait responsable des maux de tête et autres symptômes désagréables.
Ces autres boissons qui nous font tourner la tête
Le vin blanc n'est pas le seul à avoir mauvaise réputation quand il s'agit de maux de tête. D'autres boissons, alcoolisées ou non, partagent ce fardeau, chacune pour des raisons qui lui sont propres.
Le champagne, star des célébrations, cumule plusieurs facteurs. Ses bulles pétillantes, loin d'être simplement festives, accélèrent l'absorption de l'alcool. Ajoutez à cela une consommation à température fraiche, souvent rapide et joyeuse, et vous obtenez une recette parfaite pour des lendemains qui déchantent.
Du côté des spiritueux, les whiskys et cognacs vieillis en fût cachent un secret bien gardé. Leur complexité aromatique, tant appréciée des connaisseurs, provient de composés appelés congénères (2). Ironiquement, ces mêmes molécules qui ravissent nos papilles peuvent aussi amplifier les symptômes post-consommation. C'est le prix à payer pour la richesse gustative, semble-t-il.
La bière, boisson conviviale par excellence, n'est pas en reste. Les amateurs de craft beers très houblonnées pourraient être surpris d'apprendre que le myrcène, un composé naturel présent en quantité, peut être source de céphalées chez les personnes sensibles. Quant aux bières de blé, elles font double jeu avec leurs histamines et protéines spécifiques, potentiellement problématiques pour certains consommateurs.
Le café, compagnon quotidien de la plupart d’entre nous, joue un double jeu vasculaire. D'abord vasoconstricteur puis vasodilatateur, il peut provoquer des maux de tête, surtout lors du sevrage.
Cette mosaïque de réactions souligne à quel point nous sommes tous différents face à ce que nous buvons. C'est un rappel que la modération n'est pas qu'un slogan, mais bien la clé d'une consommation sereine, quelle que soit notre boisson de prédilection.
Le rôle des accords mets et vins
L'association du vin blanc avec certains aliments peut aussi jouer un rôle. Des plats salés ou riches en histamines, comme les fruits de mer, peuvent intensifier les réactions. De même, les mets épicés peuvent diminuer la perception de l'alcool, favorisant une consommation plus rapide. Enfin, les mets sucrés, souvent accompagnées de vins blancs moelleux interagissent parfois avec les sulfites, accentuant les inconforts.
Vieillissement et digestibilité
Le temps joue également un rôle dans la tolérance aux vins blancs. Avec l'âge, les sulfites se dégradent, mais certains composés oxydatifs ou phénoliques peuvent se développer, rendant certains vins plus ou moins digestes. Les blancs fruités et légers sont souvent à consommer jeunes, tandis que des crus plus structurés gagnent en douceur et complexité avec les années. (Lire l'article au sujet du vieillissement et du potentiel de garde du vin)
L’effet psychologique
Enfin, le pouvoir de l'esprit ne doit pas être sous-estimé. La mauvaise réputation des vins blancs peut influencer notre ressenti, créant un effet nocebo. Une tension ou une anticipation négative peut suffire à déclencher une gêne, même sans cause chimique réelle.
Quels aliments peuvent provoquer des maux de tête ?
Tufts Health & Nutrition Letter explore les déclencheurs alimentaires des maux de tête, y compris les additifs comme les sulfites.
La science derrière les maux de tête causés par le vin
The Splendid Table analyse les composés responsables des désagréments liés à la consommation de vin, tels que les sulfites et les amines biogènes.
Sulfites et vin
Une explication détaillée par l’Université de Californie Davis sur le rôle des sulfites dans le vin et leur impact potentiel sur la santé.
Réactions allergiques et intolérances au vin
Cet article scientifique publié sur PubMed explore les mécanismes derrière les réactions allergiques et d'intolérance au vin.
Quercétine : une cause des maux de tête liés au vin rouge ?
Science Friday examine comment la quercétine, un polyphénol présent dans le vin rouge, pourrait contribuer aux maux de tête.
Les vins d'Huchet ainsi que les cuvées Laxé, élaborés à partir de cépages bio emblématiques de la Gascogne tels que le Tannat, le Colombard et le Manseng présentent moins de risque de provoquer des maux de tête.
Engagé depuis longtemps dans une démarche d'agriculture raisonnée, le Domaine Laxé franchit une nouvelle étape en 2018 en entamant la conversion de ses 90 hectares en agriculture biologique, faisant de lui l'un des plus importants domaines bio de l'IGP Côtes de Gascogne.
Cépages et sensibilité aux maux de tête
La question des cépages dans la survenue des maux de tête est complexe car de nombreux facteurs entrent en jeu. Certains cépages blancs comme le Gewurztraminer, le Muscat ou le Riesling sont naturellement plus riches en sucres résiduels et nécessitent souvent davantage de sulfites pour leur stabilisation. Le Sauvignon Blanc, avec son caractère aromatique intense, requiert une protection accrue contre l'oxydation, impliquant parfois un usage plus important de sulfites.
L'Ugni Blanc, largement utilisé dans les vins de distillation, produit naturellement des vins plus acides. Cette acidité, bien que favorable à la conservation naturelle, peut chez certaines personnes provoquer des troubles digestifs et contribuer aux maux de tête.
Cependant, il serait inexact d'incriminer directement les cépages. C'est davantage leur vinification et le style de vin recherché qui influencent la présence des composés potentiellement responsables de maux de tête. Un même cépage vinifié différemment peut produire des vins plus ou moins bien tolérés : un Chardonnay vinifié en pure expression fruitée nécessitera plus de précautions (donc potentiellement plus d'intrants) qu'un Chardonnay vinifié en barrique, naturellement plus stable comme La cuvée Nuit Blanche du Domaine Laxé.
La clé réside donc moins dans le choix du cépage que dans la qualité de la viticulture, la maturité optimale des raisins et les méthodes de vinification employées.
À propos du vin rouge
Récemment, une étude a mis en lumière le rôle potentiel de la quercétine (3) dans les maux de tête liés au vin rouge. Cette molécule, plus abondante dans les raisins exposés au soleil, pourrait expliquer pourquoi certains vins rouges sont plus susceptibles de provoquer des céphalées.
Alors, le vin blanc est-il à bannir ?
Pour la majorité des amateurs, la réponse est non. Les maux de tête liés au vin blanc sont rarement dus à un seul facteur et peuvent être évités par une consommation modérée et réfléchie, une bonne hydratation et le choix de vins de qualité, biologiques ou artisanaux. Avec un peu de prévention, il est tout à fait possible de profiter d’un bon blanc sans désagréments.
Il est crucial de rappeler que la sensibilité aux différents composés du vin varie considérablement d'un individu à l'autre. Certaines personnes peuvent être plus réactives aux sulfites, d'autres aux histamines, à l'alcool lui-même ou à l’un des nombreux autres composants incriminés.
Encore un peu de lecture ?
S'ABONNER À LA NEWSLETTER
© Vinocoffrets 2024
925 Avenue du Marensin 40550 Léon France
RETRAIT GRATUIT EN BOUTIQUE